Un microscope électronique ultrarapide et lumineux !

Résultat scientifique

Relier les propriétés lumineuses et la structure d'un matériau à l'échelle du nanomètre donne accès à des informations précieuses pour le développement de dispositifs optoélectroniques. Des physiciennes et des physiciens ont pour la première fois mesuré en fonction du temps à l'échelle de la nanoseconde la lumière émise sous l'effet des électrons au sein d'un microscope électronique en transmission ultrarapide (UTEM). Ces travaux ouvrent la voie à une cartographie de la durée de l'émission de lumière avec une résolution spatio-temporelle inégalée.

L'excitation d'un matériau par des photons ou des électrons conduit parfois à l'émission de lumière : c'est le phénomène de luminescence. L'analyse de cette lumière, notamment son évolution temporelle, donne des informations précieuses sur le matériau. Dans le cas d'une excitation par des photons, l'analyse est faite avec une résolution spatiale de l'ordre du micromètre lorsqu'on utilise un microscope optique. En utilisant un microscope électronique à balayage, on atteint une résolution spatiale nanométrique et dans ce cas, l'excitation est produite par les électrons du faisceau du microscope : c'est le phénomène de cathodoluminescence. De plus, si on utilise un microscope électronique à transmission (TEM), on a accès à la structure atomique du matériau. Dans ce travail, les physiciennes et les physiciens ont utilisé le microscope électronique à transmission ultrarapide (UTEM) développé au Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales (CEMES,CNRS) à Toulouse, et, grâce à l'insertion près de l'échantillon d'un miroir parabolique de grande ouverture numérique développé au Laboratoire de physique des solides (LPS, CNRS, Univ. Paris-Saclay) à Orsay, ils ont collecté suffisamment de lumière pour enregistrer pour la première fois un signal de cathodoluminescence avec à la fois une résolution spatiale de l'ordre de la dizaine de nanomètres et une résolution temporelle inférieure à la nanoseconde. Ces travaux sont publiés dans la revue Applied Physics Letters.

Les chercheuses et les chercheurs ont étudié des agrégats de nanodiamants possédant des défauts cristallins, dits centres NV, dans lesquels un atome d'azote coexiste avec une lacune, c'est-à-dire un atome manquant. Alors que le diamant parfait est transparent, ces centres sont aussi appelés centres colorés à cause de la couleur donnée par leur luminescence. Cette luminescence est transitoire et c'est sa durée de vie qui était plus particulièrement l'objet de l'étude. Celle-ci a ainsi été déduite de la mesure en fonction du temps du signal de cathodoluminescence. Pour réaliser les expériences, le faisceau d'électrons de l'UTEM a été pulsé avec des impulsions d'une durée de 400 femtosecondes (4 10−13 s) grâce à l'excitation de la source d'électrons du microscope, une pointe de tungstène, par un laser femtoseconde, puis focalisé sur un échantillon de nanodiamants. Le principal défi auquel les scientifiques ont dû faire face a été de distinguer le signal du bruit. En effet, le courant du faisceau d'électrons pulsé de l’UTEM est beaucoup plus faible que celui d'un TEM conventionnel, ce qui entraîne une diminution drastique du signal émis par l'échantillon. C'est pour cela que les chercheurs ont inséré dans l’objectif de ce microscope un miroir parabolique de grande ouverture numérique afin de collecter de façon efficace la lumière émise. Ils ont ainsi cartographié avec une résolution spatiale de 12 nm la durée de vie de l'excitation des centres colorés des nanodiamants, de l'ordre de 20 ns, avec une résolution temporelle inférieure à la nanoseconde (figure).

Mesurer ainsi de façon intégrée au sein d'un UTEM la structure atomique résolue spatialement et la cathodoluminescence résolue temporellement est très prometteur par exemple pour l’étude de l'émission de lumière dans des nanostructures semiconductrices : le rendement d'émission et la dynamique des porteurs de charge sont alors connectés localement aux propriétés structurales et reliés à des paramètres comme la concentration de dopants, les contraintes ou les champs électriques. Ceci est intéressant pour des applications aux dispositifs optoélectroniques tels que des photodétecteurs ou des sources de photons uniques.

Arbouet2021
(a) Image en microscopie électronique à transmission d’un agrégat de nanodiamants, le carré blanc représente la zone balayée (insert).
(b) Cartographie de l’intensité de l’émission de cathodoluminescence
(c) Cartographie de la durée de vie de l'émission de cathodoluminescence
(d) Signal de cathodoluminescence résolu en temps détecté aux emplacements représentés par les carrés rouge et bleu en (c). Les traits non bruités représentent l'ajustement des données pour la détermination de la durée de vie.

 

Référence

Time-resolved cathodoluminescence in an ultrafast transmission electron microscope. S. Meuret, L. H.G. Tizei, F. Houdellier, S. Weber, Y. Auad, M. Tencé, H.-C. Chang, M. Kociak and A. Arbouet, Appl. Phys. Lett., paru le 11 août 2021.
DOI : doi.org/10.1063/5.0057861.
Texte disponible sur les bases d'archives ouvertes HAL et arXiv.

Contact

Arnaud Arbouet
Directeur de recherche CNRS, Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales
Sophie Meuret
Chargée de recherche CNRS, Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales
Communication CNRS Physique