Comprendre la génération des rayons cosmiques en laboratoire
En combinant lasers de puissance et champs magnétiques intenses, des chercheurs sont parvenus, pour la première fois, à recréer en laboratoire les conditions d'émission de particules accélérées lors du choc entre le milieu interplanétaire et le champ magnétique terrestre.
Où et comment les rayons cosmiques (électrons, protons, particules alpha), qui voyagent presque à la vitesse de la lumière, acquièrent leur énergie reste en grande partie un mystère. Néanmoins, il est très probable que la plupart de ces rayons proviennent de chocs sans collision produits par des explosions de supernovæ, des éruptions solaires, etc. Grâce à des mesures satellitaires et des simulations numériques, des efforts croissants sont déployés pour étudier les particules énergétiques produites par des chocs similaires qui ont lieu à proximité de la Terre, dans l'arc de choc créé par la rencontre entre les particules cosmiques venant du Soleil, constituant le milieu interplanétaire, et le champ magnétique terrestre. Cependant, il manque encore le classement et l’identification des mécanismes d’accélération les plus efficaces, parmi ceux proposés théoriquement, et la détermination des scénarii auxquels ils correspondent précisément.
Afin d'étudier ces phénomènes de plus près, des chercheurs les ont reproduits en laboratoire au sein d'une collaboration internationale impliquant notamment le Laboratoire national des champs magnétiques intenses (LNCMI, CNRS) et le Laboratoire pour l'étude des lasers intenses (LULI, CNRS/Ecole Polytechnique/Sorbonne Univ.). Grâce à l'utilisation conjointe de champs magnétiques intenses (20 T) et de lasers de puissance, ils ont reproduit des chocs magnétisés sans collision dans une configuration qui est celle de l'arc de choc terrestre, c'est-à-dire avec le champ magnétique quasi-perpendiculaire à la direction de propagation du choc. De cette manière, ils ont reproduit des caractéristiques de choc très similaires à celles procurées par les mesures satellitaires. Cette expérience a confirmé que le choc produisait des protons accélérés depuis le milieu ambiant (représentant le milieu interplanétaire), avec des énergies de dizaines de keV. De plus, grâce à des simulations de l'expérience, les chercheurs ont identifié le mécanisme, appelé « surf de choc », qui donne aux protons leur première accélération. Ce mécanisme joue un rôle clé et rend plus efficaces des étapes ultérieures d'accélération en augmentant l'énergie des ions ambiants. Ces résultats fournissent ainsi, pour la première fois, des preuves directes de l'accélération des ions à un stade précoce par des chocs sans collision. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Physics.
Avec de tels nouveaux outils de simulation et d'expérimentation, l'astrophysique de laboratoire pourrait éclairer les chercheurs sur la façon dont les rayons cosmiques sont générés et accélérés lors d’événements plus énergétiques encore, comme les supernovæ ou les flashs de rayons gamma.
Référence
Laboratory evidence for proton energization by collisionless shock surfing.
W. Yao, A. Fazzini, S. N. Chen, K. Burdonov, P. Antici, J. Béard, S. Bolaños, A. Ciardi, R. Diab, E. D. Filippov, S. Kisyov, V. Lelasseux, M. Miceli, Q. Moreno, V. Nastasa, S. Orlando, S. Pikuz, D. C. Popescu, G. Revet, X. Ribeyre, E. d’Humières & J. Fuchs, Nature Physics, paru le 19 août 2021.
DOI : doi.org/10.1038/s41567-021-01325-w
Texte disponible sur les bases d'archives ouvertes HAL et arXiv.