Un champ magnétique aux caractéristiques inédites jailli de la lumière
Grâce à l’utilisation d’un algorithme génétique, des chercheurs et des chercheuses sont parvenus à simuler l’obtention d’un champ magnétique intense, confiné et ultrabref en modélisant l’excitation lumineuse d’une nano-antenne en or. Cela ouvre la voie à un grand nombre d’applications, notamment pour le stockage de l’information.
Les champs magnétiques possèdent des caractéristiques très variées selon leur origine. Ils évoluent sur des milliers d’années dans le cas d’événements géologiques comme l’inversion des pôles magnétiques, ou bien ne durent quelques femtosecondes lors de l’interaction d’échange entre les spins. Leur intensité va du tesla (T) dans la tête d’écriture d’un disque dur jusqu’à quelques femtoteslas dans nos neurones. Enfin ils peuvent atteindre des dizaines de milliers de kilomètres lorsqu’ils sont générés par le soleil par exemple, ou être inférieure au nanomètre dans le cas des atomes. Pourtant, certaines combinaisons de ces échelles restent hors de portée. Ainsi, aucune solution n’avait été trouvée pour produire des champs magnétiques à la fois intenses, confinés et ultrabrefs. Des physiciens et des physiciennes de l’Institut des nanosciences de Paris (INSP, CNRS/Sorbonne Univ.) ont démontré théoriquement qu’une nano-antenne excitée par la lumière peut générer une impulsion femtoseconde de champ magnétique stationnaire de l’ordre du tesla. Ce champ résulte d’un confinement optique annulaire dans la nanostructure. De plus, en contrôlant l’état de polarisation de la lumière incidente, ils ont démontré la maîtrise de l’orientation du champ magnétique et son inversion à la demande. Enfin, le comportement temporel du champ magnétique stationnaire et les courants qui lui sont associés révèlent la nature sub-périodique de cette interaction lumière-matière. Ces travaux sont publiés dans la revue ACS nano.
Dans cet article, il est décrit dans un premier temps comment la forme de l’antenne a été déterminée à l’aide d’un algorithme « génétique », reposant sur les processus d’évolution des espèces. Pour cela, les auteurs ont réalisé un « portrait-robot » de la nanostructure souhaitée (dimension maximale, forme, propriétés magnétiques…) permettant de produire ce champ intense, bref et confiné. Partant de 40 structures aléatoires fournies par les scientifiques, l’algorithme a réalisé un croisement de ces différentes formes jusqu’à parvenir à celle optimale.
Ensuite, le mécanisme à l’origine du champ est exposé. Lorsque l’onde lumineuse arrive sur l’antenne, les électrons sont mis en mouvement. A la manière d’un nageur sur une vague, les électrons se mettent à osciller. Le nageur soulevé avance aussi légèrement dans le sens de propagation de la vague. De même, les électrons dérivent sous l’effet de la lumière. Ce mouvement de dérive unidirectionnel engendre un courant électrique à l’origine d’un champ magnétique stationnaire au centre de la nano-antenne. Ces forces non linéaires étant créées par la lumière, les courants, et donc le champ magnétique, cessent lorsque la structure n’est plus illuminée. Dès lors, en utilisant une impulsion de lumière ultrabrève et très intense, une impulsion de champ magnétique stationnaire ultrabrève et très intense à l’échelle du nanomètre est générée (figure 1).
La compréhension du comportement physique des courants de dérive à l’intérieur des nanostructures photoniques permet d’envisager des conceptions d’antennes encore plus efficaces pour la génération de champs magnétiques stationnaires. L’utilisation de nanostructures plasmoniques pour la génération entièrement optique de champs magnétiques stationnaires à la fois confinés, intenses et commutables à la demande et à l’échelle de la femtoseconde représenterait un tournant pour de nombreuses applications technologiques et scientifiques. On peut citer par exemple l’inversion ultrarapide de films minces magnétiques pour son utilisation dans l’écriture ultrarapide de données.
Référence
Tesla-Range Femtosecond Pulses of Stationary Magnetic Field, Optically Generated at the Nanoscale in a Plasmonic Antenna. Xingyu Yang, Ye Mou, Bruno Gallas, Agnès Maitre, Laurent Coolen, and Mathieu Mivelle, ACS Nano, paru le 28 décembre 2021.
DOI: https://doi.org/10.1021/acsnano.1c06922
Archives ouvertes HAL