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Image de microscopie électronique in situ à -170ºC montrant des dislocations qui assurent la déformation plastique du niobium (la largeur de la photo correspond à 2 micromètres). Crédit : CEMES

S’associer pour se déplacer : une ancienne énigme de la métallurgie résolue !

Résultat scientifique

L’alliance du calcul et de la microscopie électronique « in situ » ont permis de résoudre un mystère vieux de plus de 50 ans lié la déformation plastique des métaux cubiques centrés.

La résistance mécanique et la contrainte de déformation des cristaux sont contrôlées par le mouvement des dislocations, des lignes de défauts cristallins qui se déplacent quand le matériau est déformé, et qui rendent compte de la grande plasticité de la plupart des métaux et alliages. Dans la plupart des cristaux, les dislocations se déplacent préférentiellement dans les plans cristallographiques où la contrainte motrice est la plus forte. En revanche, la situation est plus complexe dans les métaux de structure cubique centrée (un type de cristal très répandu, la structure du niobium, du fer ou du tungstène par exemple), où les dislocations peuvent glisser dans des plans beaucoup moins sollicités à basse température. Ce glissement dit « anomal » a été observé pour la première fois en 1969, mais son origine n’a jamais été élucidée.

En réalisant des expériences de déformation pendant l’observation sous un microscope électronique à transmission, des chercheurs du Centre d'élaboration de matériaux et d'études structurales (CEMES, CNRS) et du CEA ont suivi en temps réel et caractérisé précisément le mouvement des dislocations sous contrainte. Ainsi, les scientifiques ont pour la première fois observé que dans du niobium déformé à -170°C, le glissement anomal est dû au mouvement extrêmement rapide (plusieurs ordres de grandeur supérieur à celui des dislocations individuelles) d’un assemblage de 4 dislocations appelé multi-jonction. Ce mode de déplacement a constitué une réelle surprise, car de telles multi-jonctions n’avaient jamais été observées auparavant, et la théorie de l’élasticité ne prévoyait pas leur existence dans les métaux faiblement anisotropes comme le tungstène. Ce travail a montré que non seulement elles existent dans des régimes dynamiques, mais qu’elles sont en fait responsables du glissement anomal dans presque tous les métaux de structure cubique centrée.

Cette avancée a été réalisée grâce à l’observation d’échantillons de niobium et de tungstène ultra-purs dans un microscope électronique du CEMES équipé pour les études dynamiques sous contrainte mécanique. En parallèle, des simulations numériques à l’échelle atomique ont reproduit l’évolution des configurations observées, confirmant l’interprétation proposée. Ce travail est publié dans la revue Nature.

image de microscopie électronique in situ à -170ºC montrant des dislocations qui assurent la déformation plastique du niobium (la largeur de la photo correspond à 2 micromètres)
Image de microscopie électronique in situ à -170ºC montrant des dislocations qui assurent la déformation plastique du niobium (la largeur de la photo correspond à 2 micromètres). Crédit : CEMES
par différence entre deux images séparées de 40 millisecondes, le mouvement coordonné de quatre dislocations est mis en évidence.
Par différence entre deux images séparées de 40 millisecondes, le mouvement coordonné de quatre dislocations est mis en évidence. Crédit : CEMES

 

Références

Anomalous slip in body-centred cubic metals. D. Caillard, B. Bienvenu et E. Clouet, Nature, paru le 28 septembre 2022.
DOI : 10.1038/s41586-022-05087-0

Contact

Daniel Caillard
Directeur de recherche CNRS, Centre d'élaboration de matériaux et d'études structurales
Communication CNRS Physique