Compression temporelle extrême de la lumière au sein d’une fibre optique
Des physiciens ont mis au point une méthode de réduction de la durée de paquets d’impulsions lumineuses se propageant dans une fibre optique, surpassant de plusieurs ordres de grandeur les taux de compression jusqu’alors obtenus. Cette méthode facilement adaptable aux équipements standards de transmissions de données pourrait permettre un accroissement significatif des débits de données au sein des réseaux de fibres optiques.
L’augmentation sans cesse croissante des flux de données transmises dans les réseaux de fibres optiques impose de développer de nouvelles solutions permettant de modifier (compacter ou dilater) l’étendue temporelle de ces données. Afin de répondre à cette problématique, des chercheurs en photonique du Laboratoire interdisciplinaire Carnot de Bourgogne (ICB, CNRS/COMUE Université de Bourgogne Franche Comté), en association avec l’Université d’Auckland, ont réussi à contracter des ondes lumineuses d'un facteur allant de 4 350 à 13 000 à l’intérieur d’une fibre optique. Ces valeurs de compression temporelle constituent les plus fortes démontrées à ce jour et surclassent les précédentes réalisations de plusieurs ordres de grandeur. Cette première démonstration a été rendue possible grâce à une interaction non-linéaire résultant de la collision de deux faisceaux laser contra-propagatifs au sein d’une fibre optique. Ce phénomène avait été prédit théoriquement il y a plus de 25 ans, mais n’avait encore jamais pu être observé. Ces travaux ont été publiés dans la revue Nature Photonics.
Si l’étirement temporel d’une forme d’onde lumineuse est relativement bien maitrisé, ce n’est pas le cas de la compression. Jusqu’ici la réduction de la durée d’un paquet d’impulsions consistait principalement à entrelacer ces impulsions sans en modifier leur largeur temporelle. La méthode développée par les physiciens est la réalisation expérimentale d’une approche théorique imaginée en 1996 par A. Starodumov. Le train d’impulsions ou la forme d’onde dont on souhaite réduire la durée est obtenu à partir d’un laser continu modulé en intensité. Il croise au sein d’une fibre optique un laser pulsé picoseconde. Dans la zone de collision, une nouvelle longueur d’onde est générée (par un phénomène d’optique non linéaire appelé « mélange à 4 ondes ») qui se propage avec le faisceau picoseconde mais dont la polarisation est orthogonale, ce qui permet de l’isoler grâce aux propriétés de biréfringence de la fibre. Cette méthode permet d’obtenir une réplique semblable au signal d’entrée mais fortement comprimée temporellement, et ce quelle que soit sa forme initiale.
Ce nouveau dispositif de compression temporelle permettrait donc d’augmenter significativement les débits d’informations au sein des réseaux de fibre optique et data centers ou encore d’améliorer la précision de mesure dans des applications d’imagerie ou de diagnostiques, tout en exploitant des équipements standards à bande passante modérée et de faible coût.
Les perspectives de ce travail à court et moyen termes consisteront à miniaturiser ce dispositif sur puces optiques à l’échelle micrométrique et à repousser les limites du facteur de compression au-delà de 50 000 grâce notamment à un design particulier de la biréfringence des fibres.
Référence
Extreme waveform compression with a nonlinear temporal focusing mirror, Nicolas Berti, Stéphane Coen, Miro Erkintalo & Julien Fatome, Nature photonics, paru le 22 septembre 2022.
DOI : 10.1038/s41566-022-01072-1