Contrôle et manipulation de différentes phases d’onde de densité de charge dans VTe2
Le ditellurure de vanadium VTe2 possède la particularité de présenter différentes phases d’ondes de densité de charge qui s’agencent généralement en plusieurs domaines. Dans un travail récent, des chercheurs et chercheuses ont réussi la manipulation de ces différentes phases à l’aide de la pointe d’un microscope à effet tunnel.
Les dichalcogénures de métaux de transition (TMDC) présentent une grande variété de structures électroniques exotiques telles que la supraconductivité, les isolants de Mott ou les ondes de densité de charge (ODC). Contrairement aux systèmes unidimensionnels dans lesquels les ODCs sont typiquement des manifestations de la distorsion de Peierls (un réarrangement de la structure atomique périodique 1D, plus favorable à l’énergie des électrons de conduction), la caractérisation des ODCs dans les matériaux 2D et 3D demeure un problème complexe, le phénomène étant souvent piloté par un couplage électron-phonon dépendant de paramètres complexes du matériau ou des caractéristiques des paires électron-trou. Dans ces matériaux, les ODCs correspondent à des déplacements atomiques qui favorisent une modulation de la densité électronique. En outre dans les situations de coexistence de multiples phases ODC (chaque phase correspondant à un réarrangement atomique particulier qui trouve son origine dans un mode de phonons particulier), les paramètres présidant au contrôle et aux manipulations permettant de transiter entre ces différentes phases ont été peu étudiés.
Des physiciennes et physiciens du laboratoire Matériaux et phénomènes quantiques (MPQ, CNRS / Université Paris Cité), du Service de physique de l’état condensé (SPEC, CNRS / CEA / Université Paris-Saclay), et du Département de Physique de l’Université Nationale de Taiwan (NTU) ont récemment imagé avec un microscope à effet tunnel (STM) sous ultravide différents domaines de tailles variables de l’ordre de 10 nm, d’une monocouche de 1T-VTe2, un matériau qui présente cette coexistence de phases. Pour des raisons de symétrie, il existe 3 phases d’ODC (4×1) (4×1 signifiant que les atomes se rassemblent en nouvelle cellule comportant 4 atomes dans une direction et 1 atomes dans une autre, un peu comme une reconstruction de surface), labellées (4×1)α, (4×1)β et (4×1)γ sur la figure, et dont les orientations correspondent aux trois directions de symétrie du réseau hexagonal bidimensionnel. Les chercheurs et chercheuses ont observé que ces phases (4×1) sont translatées d’une rangée atomique par rapport à celle du domaine voisin. À l’aide d’impulsions électriques peu énergétiques (correspondant à des tensions de l’ordre de 1.0 V) par le biais de la pointe STM, ils ont pu faire basculer une phase ODC vers une autre phase, en particulier d’une phase (4×1) vers une phase (4×4), ou entre deux phases (4×1) tournées ou translatées l’une par rapport à l’autre. Ce travail expérimental, associé à des calculs de fonctionnelle de la densité pour faire le lien entre les structures et les images STM correspondantes, ouvre des perspectives prometteuses pour envisager une manipulation facile des phases ODC et des applications en nanoélectronique. Il est publié dans la revue Nano Letters.
Référence
Spatially Extended Charge Density Wave Switching by Nanoscale Local Manipulation in a VTe2 Monolayer, Ulysse Chazarin, Mahé Lezoualc’h, Abhishek Karn, Jyh-Ping Chou, Woei Wu Pai, Cyril Chacon, Yann Girard, Vincent Repain, Amandine Bellec, Sylvie Rousset, César González, Alexander Smogunov, Jérôme Lagoute, et Yannick J. Dappe, Nano Letters, publié le 7 mars 2024.
Doi : 10.1021/acs.nanolett.4c00265