Découverte d’une phase plastique dans la glace VII
Des physiciennes et physiciens ont observé pour la première fois une phase exotique de la glace d’eau, où les molécules s’organisent en cristal tout en gardant la liberté de tourner sur elles-mêmes. Cette glace « plastique » s’observe à très forte pression et pourrait avoir joué un rôle important dans l’histoire géophysique de certaines planètes et lunes du système solaire.
Références
Observation of Plastic Ice VII by Quasi-Elastic Neutron Scattering. Rescigno, M., Toffano, A., Ranieri, U. et al. Nature – Publié le 12 février 2025
Doi :10.1038/s41586-025-08750-4
Archives ouvertes : HAL
Les physiciennes et physiciens savent depuis très longtemps que l’eau, que l’on connaît sur Terre sous une seule forme cristalline, peut en réalité se solidifier en un grand nombre de structures microscopiques différentes, pour peu que l’on puisse accéder aux températures très basses et aux pressions très élevées. Ce polymorphisme de la glace constitue un sujet de recherche encore très actif aujourd’hui, comme le montre le cas récent de la « glace VII plastique ». Cet état exotique, où les molécules d’eau restent organisées en un réseau cristallin dense tout en pouvant tourner sur elles-mêmes, avait été prédit par simulation il y a plus de quinze ans mais n’avait jamais été observée expérimentalement.
C’est chose faite depuis que des physiciennes et physiciens de l'Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (IMPMC) viennent au sein d’une collaboration internationale de confirmer son existence grâce à des expériences de diffusion quasi-élastique de neutrons en conditions extrêmes conduites à l’Institut Laue Langevin de Grenoble. Cette découverte éclaire le rôle crucial de la dynamique des atomes d’hydrogène de la molécule H2O dans les transitions de phase de la glace à très haute pression et température et pourrait expliquer certaines différences constatées par les planétologues dans l’évolution des lunes glacées du système solaire.
Ces recherches ont été menées par des scientifiques travaillant actuellement dans les laboratoires CNRS suivants
- Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (IMPMC, CNRS / Museum National d'Histoire Naturelle / Sorbonne Université)
- Laboratoire Léon Brillouin (LLB, CEA / CNRS)
- Laboratoire pour l'utilisation des lasers intenses (LULI, CNRS / Ecole Polytechnique / Sorbonne Université)
Les scientifiques ont utilisé la diffusion quasi-élastique des neutrons, une technique très sensible à la dynamique aléatoire de l’hydrogène, pour analyser les mouvements des molécules d’eau sous pression extrême, au-delà de 50 000 atmosphères et 500 K. Contrairement aux phases solides classiques, où les molécules restent figées et peuvent seulement vibrer autour de leur position d’équilibre, la glace VII plastique se distingue par une dynamique rotationnelle persistante et rapide, tout en se maintenant dans une structure cubique ordonnée. Les expériences ont été complétées par des simulations de dynamique moléculaire et une analyse numérique qui ont aidé à décrypter le mécanisme sous-jacent à cette rotation moléculaire. Plutôt que de tourner librement, les molécules effectuent en effet des sauts entre orientations différentes, un comportement rappelant la dynamique rotationnelle observée dans les liquides tétraédriques denses.
Au-delà de l’intérêt fondamental pour la physique de l’eau, cette découverte ouvre de nouvelles perspectives concernant la structure et l’évolution des planètes riches en eau. Les propriétés mécaniques, thermiques et de conductivité ionique d’une phase plastique diffèrent en effet radicalement de celles d’une glace classique, ce qui a des implications directes pour la modélisation des intérieurs planétaires. Par exemple, la présence de glace VII plastique sur l'une des deux lunes glacées de Jupiter (Ganymède et Callisto) et son absence sur l'autre pourraient expliquer leur évolution divergente, malgré des conditions initiales similaires. Plus largement, cette phase pourrait jouer un rôle clé dans la dynamique des planètes géantes glacées comme Uranus et Neptune ainsi que dans certaines exoplanètes. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature.

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